L’invitation au voyage, Baudelaire : analyse
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L’invitation au voyage, introduction :
« L’Invitation au voyage » se situe au cœur de la section « Spleen et Idéal » des Fleurs du Mal . Baudelaire évoque ici un monde idéal et nous livre sa vision de la poésie. Il s’adresse à la femme aimée et l’invite à un voyage particulier, à la fois réel et imaginaire (I) mais aussi poétique (II).
Questions possibles à l’oral sur « L’invitation au voyage » de Baudelaire :
♦ Que peut-on dire du voyage proposé par le poète ? ♦ Quelles sont les caractéristiques de l’ idéal baudelairien d’après ce poème ? ♦ Commentez la composition et la progression du poème. ♦ Quelle vision de la poésie est représentée dans « L’invitation au voyage » ? ♦ Comment la femme est-elle ici représentée ? ♦ Analysez la musicalité du poème.
I – Invitation à un voyage à la fois réel et imaginaire
A – une invitation amoureuse.
Cette invitation au voyage est avant tout d’ordre amoureux .
En effet, au début du poème, Baudelaire s’adresse directement à la femme aimée à travers une injonction formulée à l’impératif : « Mon enfant, ma sœur/ Songe à la douceur/D’aller là-bas vivre ensemble ! » (v. 1 à 3).
Le terme « ensemble » et l’emploi de pronoms possessifs souligne le caractère fusionnel du couple, de même que les rimes embrassées et l’ alternance entre rimes masculines (v. 1-2, 4-5, 7-8, 10-11, 13-14, 15-16, 18-19, 21-22, 24-25,…) et féminines (v. 3, 6, 9, 12, 17, 20, 23, 26,…).
De plus, le poète insiste sur cet amour à travers l’ anaphore du verbe « aimer » : « Aimer à loisir/ Aimer et mourir » (v. 4-5).
Ainsi, la femme est le point de départ du voyage , l’ élément déclencheur .
D’ailleurs, le paysage prend les traits de l’aimée et se superpose à elle .
Baudelaire établit en effet une analogie entre la femme et le paysage décrit : « Au pays qui te ressemble ! » (v. 6). Il compare le soleil et le ciel aux yeux de son amante : « Les soleils mouillés/De ces ciels brouillés/Pour mon esprit ont les charmes/Si mystérieux/De tes traîtres yeux/Brillant à travers leurs larmes » (v. 7 à 12).
Enfin, la deuxième strophe évoque l’ intimité du couple à travers un bref champ lexical : « notre chambre » (v. 17), « secret » (v. 25).
B – Le voyage : un rêve éveillé
La description de la chambre souligne la dimension onirique de ce voyage .
On trouve ainsi un champ lexical du rêve et du sommeil : « Songe » (v. 2), « chambre » (v. 17), « Dormir » (v. 30), « soleils couchants » (v. 35), « s’endort » (v. 39).
D’autre part, les adjectifs qualifiant le paysage à la première strophe dénotent un paysage flou , voilé , incertain et irréel : « Les soleils mouillés/De ces ciels brouillés » (v. 7-8), « Si mystérieux » (v. 10), « Brillant à travers leurs larmes » (v. 12).
La diérèse sur le « i » de « mystérieux » renforce le mystère de ce paysage.
De plus, chaque strophe décrit un paysage différent . On passe ainsi d’une scène à l’autre sans transition logique , comme dans le rêve .
Cependant la description, marquée par une hypotypose∗ et soulignée par les démonstratifs ( « De ces ciels » (v. 8), « Vois sur ces canaux/Dormir ces vaisseaux » (v. 29-30), créée un effet de réel qui place ce voyage entre rêve et réalité , réel et imaginaire.
∗ hypotypose : figure de style qui consiste, pour une phrase, à mimer, reproduire ce qu’elle dépeint, donnant ainsi l’impression d’une description vivante, animée, qui se dessine sous nos yeux.
C – Un monde imaginaire et idéal
Mais c’est tout de même un monde imaginaire et idéal que peint ici Baudelaire.
Le conditionnel à la seconde strophe souligne la dimension imaginaire et irréelle du voyage : « Décoreraient notre chambre » (v. 17), « Tout y parlerait » (v. 24).
De même, l’emploi de l’ infinitif marque le caractère paradoxalement passif et immobile du voyage : « D’aller » , « Aimer à loisir/Aimer et mourir » (v. 3 à 5), « Dormir » (v. 30), « C’est pour assouvir » (v. 32).
L’infinitif est également le mode de l’intemporel , mode idéal quand on sait que le temps est l’ennemi de Baudelaire.
Le lieu décrit par le poète est idyllique , voire utopique . C’est un monde idéal caractérisé par la beauté, le luxe et l’exotisme , ce qui est traduit par les champs lexicaux :
♦ De la lumière et de la brillance : « soleils » (v. 7 et 35), « Brillant » (v. 12), « luisants » , « polis » (v. 15-16), « miroirs » (v. 22), « d’or » (v. 38), « lumière » (v. 40)
♦ De la beauté : « charmes » (v. 9), « beauté » (v. 13, 27, 41), « splendeur » (v. 23)
♦ De la richesse et du luxe ( leitmotiv baudelairien) : « Luxe » (v. 14, 28, 42), « riches plafonds » (v. 21)
♦ De l’exotisme : « vagues senteurs de l’ambre » (v. 20), « La splendeur orientale » (v. 23), « du bout du monde » (v. 34).
Enfin, cette idéalisation est renforcée par les hyperboles et les superlatifs : « Si mystérieux » (v. 10), « Les plus rares fleurs » (v. 18), « tout » (v. 13, 24, 27, 41), « la ville entière » (v. 37).
Transition : Ce monde idéal dont rêve Baudelaire et qu’il peint ici est aussi celui de la poésie .
II – Un voyage poétique
A – une forte musicalité.
« L’invitation au voyage » présente une forte musicalité .
Tout d’abord, sa composition est similaire à celle d’une chanson : chaque strophe, qui comporte douze vers alternant deux pentasyllabes et un heptasyllabe, est suivie d’ un refrain .
Malgré les vers impairs , le rythme est régulier et le poète parvient à créer une parfaite harmonie .
Cette régularité à la fois visuelle et sonore est soulignée par de nombreuses diérèses : « mystér i eux » (v. 10), « or i entale » (v. 23), « D’h y acinthe » (v. 38).
L’harmonie est également due à la brièveté et à la fluidité des vers.
En effet, les vers sont courts et marqués par de nombreux enjambements (v. 2 à 3, 7 à 8, 9 à 12, 19 à 20, 24 à 26, 30 à 34, 39 à 40). Aucun rejet ou contre-rejet ne vient rompre le rythme.
Par ailleurs, cette fluidité est accentuée par l’ allitération en « l » :
« D’a ll er l à-bas vivre ensemb l e » (v. 3), « L es so l eils moui ll és/De ces cie l s broui ll és » (v. 7-8), « Bri ll ant à travers l eurs l armes » (v. 11-12), « L uxe, ca l me et vo l upté » (v. 14, 28, 42), « Des meub l es l uisants/Po l is par l es ans » (v. 15-16), « L es p l us rares f l eurs/Mê l ant l eurs odeurs » (v. 18-19), « L a sp l endeur orienta l e/Tout y par l erait/A l ‘âme en secret/Sa douce l angue nata l e » (v. 23 à 26).
B – L’idéal poétique de Baudelaire
A travers ce monde rêvé et imaginaire, c’est un idéal poétique que dépeint Baudelaire.
Cet idéal est avant tout marqué par les synesthésies et correspondances : « Les plus rares fleurs/Mêlant leurs odeurs/Aux vagues senteurs de l’ambre » (v. 18 à 20), « Les soleils couchants/Revêtent les champs/Les canaux, la ville entière/D’hyacinthe et d’or » (v. 35 à 38), « Le monde s’endort dans une chaude lumière » (v. 39-40).
Les principales caractéristiques de l’idéal baudelairien sont résumées dans les deux vers du refrain : « Là, tout n’est qu’ ordre et beauté / Luxe , calme , et volupté » .
Ce refrain fonctionne comme une formule magique et donne au poème un ton incantatoire . Le voyage se réalise à travers la parole poétique.
Le poète est comme un magicien , capable de transformer le monde et de le sublimer , comme le souligne la métaphore des « soleils couchants » mise en évidence et en valeur par un tiret :
« – Les soleils couchants/Revêtent les champs/Les canaux, la ville entière,/D’hyacinthe et d’or » (v. 35 à 38).
Le poète est aussi celui qui parle « le langage des fleurs et des choses muettes » (voir le poème « Elévation » ). Il déchiffre et interprète la langue de l’invisible : « Tout y parlerait/A l’âme en secret/Sa douce langue natale » (v. 24 à 26).
L’invitation au voyage, Baudelaire, conclusion :
Dans « L’Invitation au voyage », c’est l’ idéal qui domine et l’emporte enfin sur le spleen, du moins le temps d’un poème.
Baudelaire invite la femme aimée et le lecteur à un voyage onirique et imaginaire au sein d’un monde idéal sublimé par le langage poétique. Il peint ainsi à travers la description de paysages et une forte musicalité son idéal poétique, marqué par l’harmonie.
On retrouvera cette vision moderne du poète alchimiste chez Rimbaud notamment (dans « Voyelles » par exemple).
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Qui suis-je ?
Amélie Vioux
Je suis professeur particulier spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re).
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Je crée des formations en ligne sur commentairecompose.fr depuis 12 ans.
Tu peux également retrouver mes conseils dans mon livre Réussis ton bac de français 2024 aux éditions Hachette.
J'ai également publié une version de ce livre pour les séries technologiques ici.
60 commentaires
Bonjour Madame ,
J’ai beaucoup de mal à « trier » les procédés » pour faire mes fiches : doit on pour chaque texte faire un plan de commentaire avec le brouillon , et prendre quelques procédés de chaque partie ou alors , faire en fonction des mouvements ? J’espère que vous comprenez ma question ? Merci beaucoup
Bonjour Madame,
Je passe mon BAC de Français cette année. Je voulais savoir si dans votre livre il y a les commentaires de texte ? ( par exemple avec les poème de Charles Baudelaire). Je vous parle de ceux que l’on peut imprimer et télécharger. J’espère que vous allez comprendre ce que j’ai essayé de vous expliquez.
Bonne journée à vous, merci d’avance pour votre réponse !
Bonjour Ceces, Les analyses de textes sont sur mon site uniquement, autrement mon livre ferait plus de 1000 pages 😉 Dans mon livre, tu vas trouver la méthode de tous les exercices, plein de conseils pour l’oral, pour ton organisation et ta gestion du stress et des devoirs corrigés et commentés. J’espère que cela te semble plus clair !
Bon je vais peut être pouvoir finir mon anthologie… En tout cas merci pour ces commentaire de texte, cela m’aide grandement, quel professeur donne une anthologie de 45 page a des élèves de 1er? Le mien! 😉 Merci beaucoup.
bonsoir je ne parviens pas à trouver une ré-adaptation pertinente du plan à la problématique « Analysez la musicalité du poème »
Je ne comprends pas comment on pourrait répondre à la problématique:
« Comment la femme est-elle représenté dans ce poème ? »
Je ne vois pas comment réajuster votre plan…
bonjour, comment repondre à la problématique : » commentez la composition et la progression de poéme » ?
Bonjour, Est-il possible de faire un plan à l’oral composé par exemple de 2 grandes parties ayant un nombre de sous parties différent ? Par exemple : I- A\ B\ C\ et II- A\ B\
Bonjour Amélie, merci beaucoup pour cette analyse elle est très complète et tu m’as beaucoup aidée. Mais j’avais une question tu penses que ce poème appartient à quel registre ?
Je te remercie Amélie pour cette explication qui met en évidence la modernité de Baudelaire et sa grande sensibilité poétique .Tes analyses sont toujours très fouillées intéressantes et d’ un grand secours , je les apprécie beaucoup.
Merci beaucoup pour cette analyse complète mais une petite question me tracasse… Comment expliquez vous la modernité du poème l’invitation au voyage ? Sur la forme aucun doute.. mais le fond c’est plutôt compliqué … la femme aimée est abordée (thème traditionnel) , la nature également .. Le rêve et l’idéalistation oui mais est-ce vraiment une preuve de modernité poétique durant son époque ? Nombreux poètes ont exploré ces thèmes. J’ai pensé au fait qu’il mentionne des aspects de la ville, des meubles.. Mais cela ne suffit pas pour tenir 10 minutes … S’il vous plait aidez-moi..
Merci beaucoup Amélie!!! Ces commentaires m’aident beaucoup! Il me permettent vraiment d’améliorer mes fiches pour l’oral!!
Bonjour Amélie, ma professeur de français m’a donnée un plan et une problématique pour « L’invitation au voyage » de Baudelaire pourriez vous me dire si cela fonction s’il vous plait Problématique: comment le paysage se constitue-t-il à partir de la femme aimée? Plan: I- Une plongée dans l’imaginaire a) Un rythme hypnotique qui favorise l’épanouissement de la rêverie b) Un effacement progressif de la réalité face à l’imaginaire c) Un poème qui allie extension spatiale et fermeture temporelle II- Le monde idéal créé par Baudelaire a) la place de la femme b) un décor qui correspond au refrain Merci d’avance, Laura
Bonsoir Amélie, un énorme MERCI à vous, grâce à vous j’ai eu la meilleure note de ma classe de L avec l’analyse de ce poème lors des oraux blancs! J’ai fait la fierté de mes professeurs de français des deux dernières années. J’adore votre site, qui m’aide vraiment beaucoup 🙂
bonjour amélie,
pourrais-tu me donner le titre du tableau ainsi que son auteur que tu as intégrer dans ton analyse merci
Bonjour Amélie, J’avais une question concernant le plan. Si la problématique posée est la suivante: « analysez la musicalité du poème », faut-il conserver toute la premiere partie qui à mon sens ne traite pas vraiment de la musicalité… Je suis un peu perdue… Merci d’avance pour votre réponse. Léna
Bonsoir ! Merci beaucoup pour cette analyse Amélie .. Mais y’a un petit truc que j’ai pas compris .. On m’a posé la question suivante : qu’est-ce qui permet d’interpréter le paysage de ce poème comme une évocation de la beauté idéale recherchée par le poète dans son travail poétique ? Et dans votre analyse le paysage n’apparaît « presque » pas ! C’est ma prof qui s’est trompé sur sa question ou c’est plutôt moi qui l’a mal interprété ? Mercii d’avance ! Cordialement Maeva .
Bonjour Maeva, Le paysage est présent dans le poème de Baudelaire et dans mon analyse. Tu as bien tous les éléments pour répondre à la question de ton professeur, mais il faut que tu partes d’abord de ta lecture du poème, que tu enrichis ensuite avec mon analyse, pour élaborer ensuite ta réponse.
Bonjour Amélie, j aimerais savoir si le plan que vous nous avez proposé est bon pour chaque problématique citées juste après l’introduction car j’ai du mal a comprendre le rapport entre certaines parties du plan et certaines problématiques.
Bonjour Bastien, J’élabore des plans qui vous permettent de répondre à toutes les questions possibles, mais tu dois quand même faire l’effort d’adapter ce plan à la question et de répondre clairement à la question posée. Si cela te semble confus, inscris-toi à ma formation gratuite : elle contient une vidéo très claire à ce sujet.
Quel est le titre et l’auteur de la peinture au début de l’analyse s’il vous plaît ?
Merci merci merci Amélie pour toute l’aide que tu nous donne ! J’ai repris ton plan pour ce poème le jour de mon oral et grâce à toi j’ai eu 20 !
Waou Daphné, super pour ce 20 !
♦ Que peut-on dire du voyage proposé par le poète ?
Pourriez vous me donner un plan pour la problématique suivante: « Montrer la musicalité de ce poème. » Merci de votre aide!
I introduction Tu expose le contexte II une composition spécifique Dans le quelle tu mettrai la répétition des vers formant un « refrain » et la découpe des strophes et des vers III rythme visuel Tu parlera de schémas de versification (AABCCB) IIII rythme sonore Tu parlera des allitération en L et des diérèse IIIII Conclusion Tu diras en gros que se poème a une forte musicalité grace ai procédé littéraire mis en place dans tous le poème
Bonjour Amélie, Un grand MERCI pour vos analyses complètes qui m’aident énormément pour me préparer à l’oral de français. Je ne comprend juste pas bien la métaphore des « soleils couchants » évoquée à la fin du II-B Si vous pouviez m’éclairer sur ce point s’il vous plaît ? Merci d’avance Anne
Bonjour Amélie! Comment répondre à la problématique: »Analysez la musicalité du poème » et »Commentez la composition et la progression du poème »
Merci beaucoup, car je bloque..
Bonjour ! Merci beaucoup pour ce super travail qui m’aide énormément ! J’aimerai savoir si ce plan répond à toutes les problématiques ? Merci par avance
Bonjour Amélie ! Très belle analyse ☺️! Je me demandais juste où se situait dans le texte l’hypotypose que tu as placé dans ton I. B) ?
Un très grand MERCI pour EXCELLENT TRAVAIL !!
Merci Patricia. Je suis ravie que mon travail te soit utile 🙂
Bonjour Amélie,
Vous pensez que » un poète amoureux » marche comme axe? Merci
Bonjour Amélie. Pardon aide-moi. J’éprouve des difficultés à analyser et interpréter correctement les assonances.
bonjour, j’aimerais savoir de qui est ce tableaux s’il vous plait et sa source
Bonjour j aime beaucoup vos commentaires merci pour votre travail ! Je ne comprends pas bien la métaphore du soleil à quoi le comparé vous ?
Bonjour Amélie! J’apprécie énormément les analyses que vous faites qui sont toujours très poussées et m’apportent énormément dans la compréhension des textes, que ce soient ceux de nos objets d’étude ou d’autres que nous n’avons pas étudié. Cependant, je crois avoir remarqué une petite erreur… Vous dites que « viennent » au vers 34 comporte une diérèse, mais il me semble qu’il faut au contraire prononcer ce mot comme une synérèse sinon nous n’avons plus un heptasyllabe… Est-ce juste?
Bonjour Anne, Il n ‘y a pas de synérèse sur le verbe « viennent », ni de diérèse (je viens de l’enlever de la liste, c’est une faute d’inattention). Le vers compte 7 syllabes. Tu en comptes peut-être 8 car tu prononces le /e/ muet de monde (il ne faut pas le prononcer).
Je ne comprends pas la métaphore du soleil que vous traitez à la fin du commentaire, à quoi se rapporte t’il et à quoi est t’il « comparé » ?
Bonjour dans ce poème ( L’invitation au voyage ,Charles Baudelaire ,Les Fleurs Du Mal (1857) et ( L’invitation au voyage ,petits poèmes en PROSE (1869) quels sont les points communs et les différences entre les deux poèmes ? et aussi Quels pronom designe la destinataire dans chaque poème ? Pourquoi cette différence ? (L’invitation au voyage,Charles Baudelaire,Les Fleurs du Mal (1857),Les fleurs Du Mal et L’invitation au voyage,Petits poèmes en PROSE(1869)
Ne crois pas que je vais faire tes devoirs ! Prends le temps de lire les poèmes, mes analyses et de chercher les réponses aux questions de ton professeur.
Génial, complet !
Merci Très utile!
Bonjour Amélie; Pour ma préparation je dois analyser le paysage intérieur dans le poème.Voici mon plan: I La découverte du paysage intérieur bercé par la rêverie 1 Un monde imaginaire et idéal 2 Un monde caractérisé par la beauté,le luxe et l’exotisme 3 Le titre II L’âme du poète 1Le paysage prend les traits de la femme 2 L’âme du poète bercé par la douceur et la musicalité III Les lieux à imaginer 1 La chambre 2 Le paysage 3 Le pays
Bonjour Laura , il est préférable de garder une structure fixe dans tes commentaires : si tu fait un plan de 3 parties il faut faire deux parties chacune et si tu fait un plan de 2 parties 3 sous parties chacune sont idéales ! Cela permet d’avoir une structure claire et équilibrée ! ♥️
Bonsoir,j’ai une préparation à faire sur ce poème.La question de lecture analytique est d’analyser l’évocation du paysage extérieur dans le poème.Le prof va peut-être ramasser les préparations et faire passer un élève devant en situation d’examen.
Et moi c’est le paysage intérieur! Quelqu’un saurait ce que c’est
Je sais pas désolé
Je dirais que cets l’état d’âme du poète le paysage de ces pensés. Cets pour ça que parfois que tu entendra parler du rapport paysage extérieur – intérieur car l’un symbolise l’autre
La synesthésie c’est la « correspondance » entre les différentes sensations (ex: une sensation visuelle associée à une sensation auditive) « Doux comme les hautbois,verts comme les prairies » cf Fleurs du Mal sensations: toucher + visuelle .
la synesthésie c’est la « correspondance » entre les différentes sensations exemple une sensation visuel associé à une sensation auditive
Il y a quelque chose que je comprends pas dans ton commentaire. Dans ton II) B) tu parles de synesthésie et de correspondance. Quelles sont les correspondances ? Et comment définirais tu ce terme ? Par ailleurs, quels exemples y sont associés ? Malheureusement je n’ai pas compris cela …
J’espère que tu pourras m’éclairer sur cela.
Bien cordialement,
Oui je bloque aussi dessus! Merci d’avance !
Je pense qu’il s’agit de la théorie des correspondances. Cela consiste à la création de liens entre le monde réel et le monde spirituel du poète, permettant ainsi de créer un nouvel univers.
J’ai choisi ce poème pour mon anthologie poétique. Cette analyse me rassure, car je sais que j’ai compris ce magnifique poème ! Grâce à la création de mon anthologie, je peux maintenant assurer que Baudelaire est mon poète préféré, et que son recueil »Les fleurs du mal » est mon favoris !
Salut très chère Amélie , pourrais tu faire s’il te plait une analyse de En attendant Godot , scène de clôture ? Ton site m aide beaucoup merci
Salut Amélie pourrais tu faire une analyse du texte de Ionesco « le roi se meurt » le texte qui est présent dans le manuel l’ecume des lettres
Tu as eu une vision pour l’épreuve écrite toi !
trop contente que vous ayez fait cette analyse ! Je m’aide beaucoup de votre site pour l’oral car vos commentaires sont toujours très claires 🙂
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Site internet
Oral du bac de français
Ecrit du bac de français, pour aller plus loin.

L'invitation au voyage


“L’Invitation au voyage”, Baudelaire – Commentaire linéaire
- Marie Dougnac
- 28 Juin 2022
À lire dans cet article :
L’Invitation au voyage de Baudelaire est l’un des poèmes les plus connus des Fleurs du mal et est un incontournable du commentaire en français. Mais pour en faire un bon commentaire, il ne faut pas oublier quelques mots-clés… Voici quelques suggestions pour vous guider dans l’analyse et en faire un commentaire absolument parfait !
“L’invitation du voyage” : avant de commencer le commentaire
Introduction.
En guise d’introduction, il est pertinent de restituer l’ extrait étudié dans son contexte , et de l’éclairer par des éléments intéressants de la biographie de l’auteur. Nous allons utiliser quelques mots-clefs essentiels, attendus par les correcteurs, pour débuter notre analyse de l’Invitation au voyage !
Les points-clefs que tu dois évoquer
- On peut dire qu’il s’agit d’un poème lyrique de la section Spleen et Idéal, qui constitue une adresse à la femme aimée et qui est caractérisé par sa musicalité . Il s’agit effectivement d’une invitation à connaître un ailleurs exotique et onirique.
- Il faut rappeler que l’ Invitation au voyage reflète plusieurs thèmes clés abordés par Baudelaire dans son recueil de poésie des Fleurs du mal . En effet, le thème de l’ailleurs, de l’évasion par les sen s et de l’évasion sentimentale sont des thèmes récurrents dans les poèmes de Baudelaire.
- Le poème accorde beaucoup d’importance à la femme aimée, c’est donc le moment idéal pour rappeler que Baudelaire a connu trois “muses” ! Trois femmes : Jeanne Duval (une femme du côté de l’animalité), Mme Sabatier (intellectuelle avec laquelle il entretenait une relation affectueuse) et Marie Daubrun (une actrice à laquelle il vouait une adoration mystique).
Fais attention à ne pas rédiger une biographie de Baudelaire en introduction ! Il faut simplement choisir les éléments qui peuvent permettre de mieux comprendre l’analyse de l’Invitation au voyage et de mieux expliquer l’extrait.
Analyse et commentaire linéaire de L’ Invitation au voyage de Baudelaire
Une adresse à la femme aimée par baudelaire.

De plus, l’impératif ” songe ” est une invitation à se projeter en esprit dans un ailleurs rêvé : il introduit l’onirisme que l’on retrouvera dans tout le poème.
Une harmonie, un lieu d’idéal

De plus, la juxtaposition de deux termes antagonistes (” aimer et mourir “, v. 5) par la conjonction de coordination ” et ” reflète l’idée d’un amour à prolonger jusqu’à la mort. Le lieu exotique permettrait l’union des contraires ( éros , l’amour, et thanatos , la mort), et l’amour y serait poussé à son paroxysme .
La femme est au coeur du poème, vecteur d’un amour libre et total.
Un lieu exotique, pictural, sensationnel

” Mystérieux ” est une diérèse (mysté – rieux) qui insiste beaucoup sur l’atmosphère particulière du lieu évoqué, et renforce l’idée d’un lieu qui échappe à toute description naturaliste et s’éprouve par les sens .
Un lien étroit entre les sensations, la femme, le lieu
Les vers ” De tes traîtres yeux / Brillants à travers leurs larmes ” établissent une comparaison entre les yeux de la femme et les ” soleils mouillés et ciels brouillés “. En effet, les yeux de la femme ouvrent au poète ce lieu idéal, et sont des points de départ du voyage et du rêve. Les sensations, la femme et le lieu sont intimement liés. L’invitation au voyage de Baudelaire est un voyage de sensations, où l’on sent, où l’on écoute et où l’on voit : c’est ce qui ressort de sa lecture et c’est ce que l’on doit voir lors du commentaire !
Un texte musical

Le triptyque ” luxe, calme et volupté ” évoque un lieu où tout est possible, et où les sensations ont une place centrale.
Une chambre intime, fantasmée

L’emploi du verbe au conditionnel ” décoreraient ” renvoie lui au lieu rêvé et aux projections et fantasmes du poète.
Un lieu qui s’ouvre sur l’extérieur : le voyage

On note dans ces deux strophes une convocation des sens , qui ont une place centrale chez Baudelaire : l’odorat (” odeur “), la vue (” miroirs “), l’ouïe (” parlerait “), le toucher (” poli par les ans “)… Ce lieu s’éprouve avant tout à travers les sensations . Pour Baudelaire, c’est par les sens qu’on accède à un degré supérieur du réel (cf. le poème Correspondances ). Cette invitation au voyage est avant tout une expérience sensorielle.
Retour à l’onirisme

L’emploi du verbe d’action ” parler ” dont le sujet est les objets est étonnant : il y a ici une correspondance entre les objets et les sens (comme dans le poème Correspondances qui théorise cette idée) : les objets renvoient le poète à une réalité supérieure et a quelque chose qui dépasse le réel (des sensations, des souvenirs…). C’est une des idées majeures du symbolisme , dont Baudelaire est un des précurseurs.
Par ailleurs, la ” langue natale ” peut faire référence à un langage non corrompu par la société dont le poète est prisonnier. S’opère un retour aux origines par la sensation et la ” communion ” avec les objets. Ce vers peut aussi renvoyer aux souvenirs du poète, à un jadis.
La musicalité du texte, de nouveau

Poursuite du voyage

Un lieu qui répond à tous les désirs des personnages

Le lieu s’élargit, le calme atteint le monde

De plus, la juxtaposition ” les champs, les canaux, la ville entière ” puis l’emploi du substantif ” le monde ” évoquent un élargissement du lieu : l’immobilisme et le repos se répandent progressivement au monde entier. Cette invitation au voyage est donc bien un déplacement progressif, un mouvement et c’est ce qu’il faut faire ressortir dans le commentaire.
La diérèse ” d’hyacinthe et d’or ” renvoie à des couleurs chaudes et à l’ atmosphère picturale du poème. Le lieu évoqué se caractérise par l’importance de la lumière (” or “, et plus haut ” soleils mouillés ” et ” ciels brouillés “).
Problématique et plan : quelques pistes pour commenter l’ Invitation au voyage
I – un ailleurs onirique qui s’éprouve par les sens dans cette invitation au voyage.
- La place centrale de la vue
- Un poème pictural et musical
- Les sensations au coeur du poème
II – Un ailleurs qui correspond aussi à la femme aimée
- La correspondance entre la femme et le paysage
- Un désir de communion et d’harmonie
III – Un ailleurs idéal
- Un amour poussé à son paroxysme
- Un ailleurs exotique (exotisme, lumière…)
- Des objets qui parlent à l’âme
En guise d’ouverture
Spleen et idéal, de matisse.
Ce tableau de Matisse, ” Spleen et Idéal “, permet de souligner l’atmosphère picturale du poème (les éléments décrits font penser à ceux d’une peinture) et reprend les valeurs de l’idéal baudelairien (à savoir un ailleurs marqué par la présence de la femme et par l’importance des sensations).
Sensation, d’Arthur Rimbaud
On peut également penser à ce poème, ” Sensation ” d’Arthur Rimbaud, dans lequel on retrouve la référence à un ailleurs idéal, la place de la femme, intimement liée au lieu rêvée, et l’importance des sensations (verbes de perception et champ lexical du corps).

En bref, l’ Invitation au voyage de Baudelaire est un poème que vous allez facilement pouvoir analyser pour en déduire un commentaire si vous maîtrisez le vocabulaire de la poésie et produisez un commentaire structuré et que vous citez toujours le texte pour appuyer ce que vous dîtes!
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Baudelaire, « L’Invitation au voyage »
Baudelaire (1821-1867), les fleurs du mal (1857).
« L’Invitation au voyage » Mon enfant, ma sœur, Songe à la douceur D’aller là-bas vivre ensemble ! Aimer à loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble ! Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes. Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Des meubles luisants, Polis par les ans, Décoreraient notre chambre ; Les plus rares fleurs Mêlant leurs odeurs Aux vagues senteurs de l’ambre, Les riches plafonds, Les miroirs profonds, La splendeur orientale, Tout y parlerait À l’âme en secret Sa douce langue natale. Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Vois sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l’humeur est vagabonde ; C’est pour assouvir Ton moindre désir Qu’ils viennent du bout du monde. – Les soleils couchants Revêtent les champs, Les canaux, la ville entière, D’hyacinthe et d’or ; Le monde s’endort Dans une chaude lumière. Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.
Note liminaire : Il existe toujours un risque à démonter l’unité immédiate d’un poème. Cependant la complexité de « L’Invitation au voyage » nécessitait une telle opération préalable pour que la lecture résultante puisse faire vibrer toutes les harmonies internes. Un second parti pris pédagogique nous a conduit à considérer que la meilleure interprétation d’une œuvre d’art consistait à s’appuyer sur les autres créations de l’artiste.
Introduction

Nous essaierons d’apprécier cette invitation au voyage comme une triple démarche : d’abord une invitation amoureuse, puis une invocation esthétique et enfin une invite poétique.
Une invitation amoureuse
La première strophe est un appel en même temps qu’une invocation. C’est une prière adressée à une femme désignée par deux vocables, « Mon enfant, ma sœur ». Le premier désigne la tendresse pour une personne fragile à protéger ; le second évoque le respect chaste, la complicité, la douceur, il tend à rétablir l’égalité dans le couple. En effet le poète (un peu misogyne 1 ) semble élever la femme de son état infantile à celui de complice par le seul fait de l’avoir élue. Le rythme binaire décroissant indique le débordement de la dilection. Ces deux premiers qualificatifs donnent au poème une coloration mystique, ils connotent un amour spirituel.
Le poète invite sa compagne par un impératif, « Songe » 2 , dont la magie onirique atténue la rigueur. La destination du voyage est, elle aussi, du domaine du rêve. Elle est éloignée par un « là-bas » qui tranche implicitement et absolument avec un ici aux durs contours. La contrée où doivent se rendre les amants est indéterminée, Baudelaire la désigne métaphoriquement par le « pays qui te ressemble » 3 . En effet sa caractéristique est d’être moins un lieu qu’un état, celui du couple fusionnel. C’est le pays du « vivre ensemble », le paradis de l’amour. La répétition du verbe « aimer » contribue en outre à l’incantation. Ajoutons que l’absence de contrainte exprimée par « à loisir », ainsi que le lien très fort avec « mourir » confortent l’irréalité du lieu. Le désir amoureux comblé appelle un toujours dans une autre vie. Le « là-bas » appelle un au-delà.
La fin de la première strophe suggère de « traîtres yeux » et des « larmes ». La première expression est inspirée du langage précieux. Comme l’indique Littré le terme désigne « certaines choses qui sont dangereuses sans le paraître ». Ce sont en effet ces yeux qui ont envoûté le poète tombé sous leurs « charmes 4 si mystérieux ». Baudelaire est devenu amoureux d’un regard embué par les « larmes », larmes d’émotion et de bonheur. Cette eau évoque aussi celle du diamant dont la transparence laisse passer la clarté du regard « brillant ». L’auteur des « Bijoux » considère ainsi que les pupilles sont la plus belle parure de la femme, surtout lorsqu’elles sont énigmatiques comme la pierre précieuse à la lumière changeante.
Curieusement, au fur et à mesure que nous avançons dans le poème, la présence de l’aimée s’estompe au profit de la description d’un intérieur, puis d’un port. Si la continuité érotique est assurée par le refrain qui s’achève par « volupté », la deuxième strophe n’évoque plus la relation amoureuse que par « notre chambre » ; la troisième note seulement l’adoration du poète attentif au « moindre désir » de l’aimée, du poète qui offre le monde à l’élue. Au final on peut penser que les amants comblés s’assoupissent eux aussi car « Le monde s’endort ». Ils s’effacent dans un grand Tout, leur amour leur permet de rejoindre un courant cosmique immanent. Cet endormissement est une petite mort qui rappelle l’« Aimer et mourir » de la première strophe. Le poème forme une boucle pour suggérer que l’amour est extatique, qu’il est voisin d’une expérience mystique.
Cet effacement progressif de la figure féminine nous amène à nous demander si le compliment amoureux est bien le sujet principal d’autant plus que, dès le milieu de la première strophe, un paysage se superpose à l’aimée.
Une invitation esthétique
Le reste du poème est en effet une galerie de peinture. Baudelaire visite en rêve une pinacothèque idéale où se côtoieraient Ruysdael pour ses ciels, Vermeer pour ses intérieurs, et enfin Claude Gellée, dit le Lorrain pour ses ports au coucher du soleil. Baudelaire, comme dans « Bohémiens en voyage » 5 , transpose des atmosphères picturales. Ce passage insensible à l’univers des paysagistes est perceptible dès les notations météorologiques : « Les soleils mouillés De ces ciels brouillés ». Ici le pluriel « ciels » au lieu de cieux désigne clairement un emploi artistique 6 . Notons que le poète joue admirablement des ressources vocales pour suggérer l’atmosphère du lieu. Les consonnes liquides L et R soutiennent cet aspect brumeux qui convient au mystère. Les consonnes continues S et L contribuent en outre à la douceur du lieu. La reprise de la semi-consonne Y parfois associée à la voyelle longue OU produit un effet de nonchalance mélancolique.
La deuxième strophe décrit une chambre imaginée, ce qui nous est indiqué par l’emploi du conditionnel « décoreraient ». Le lieu est appréhendé par trois sens. Le moins important est le toucher avec la notation « polis ». Puis vient la vue qui apprécie les lumières dans « luisants » et dans les « miroirs ». Enfin le plus important est l’olfaction qui hume les « odeurs » des « plus rares fleurs » et retrouve les « vagues senteurs de l’ambre ». Cet ambre gris, produit de luxe par sa rareté, a de plus, par ses origines animales, un pouvoir aphrodisiaque, aussi apparaît-il souvent dans la poésie érotique. Baudelaire le cite d’ailleurs dans « Correspondances » comme un parfum « corrompu » 7 . Les plafonds sont « riches » et sans doute eux aussi peints, ils présentent peut-être la scène portuaire finale. Des « miroirs profonds » 8 élargissent la pièce refermée, renvoient probablement l’image des amants dans un narcissisme amoureux et contribuent à l’érotisme de la scène. Enfin l’Orient 9 est convoqué pour sa « splendeur », ses richesses, son éloignement exotique, sa capacité à faire rêver, sa connotation licencieuse mais aussi parce qu’il est le berceau des civilisations, d’ailleurs le décor « parle à l’âme ». Le poète invite donc la bien-aimée dans un lieu clos, intime qui illustre bien les qualificatifs du refrain : « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. » Baudelaire énonce ainsi un idéal de vie urbaine, sensuelle et raffinée.
La troisième strophe ébauche un port au soleil couchant. Le poète utilise une hypotypose avec ce « vois » initial, ou plus précisément une ekphrasis si la description est celle d’une œuvre peinte. En effet le lecteur peut envisager deux hypothèses : soit la chambre donne sur les quais, soit la vue est celle d’une toile. La seconde possibilité aura notre préférence. D’une part l’immobilité de la scène qui voit les bateaux et le monde environnant « dormir », d’autre part la notation des « soleils couchants », qui reprend les « soleils mouillés » du début, renvoient à un univers pictural 10 . De plus la fin du jour colore le paysage « d’hyacinthe 11 et d’or », dénominations plutôt employées par les peintres 12 .
Les deux dernières strophes forment un tout. La troisième est le prolongement de la seconde. Elle constitue une ouverture, comme une « Élévation » 13 . Le poète lévite en apesanteur au-dessus d’un monde transfiguré. Ces deux strophes ont en commun une entrée en léthargie. Cette torpeur est soulignée par l’abondance des voyelles nasalisées qui créent un effet de lenteur, de voile, d’assourdissement. Les teintes finales « D’hyacinthe et d’or » connotent la liturgie catholique pour suggérer cette aura mystique qui recouvre un monde pacifié 14 . Baudelaire achève ainsi la peinture du lieu idéal, une réalité recomposée selon son désir d’esthète. Cette finalité est explicitée dans la version en prose « Pays singulier, supérieur aux autres, comme l’Art l’est à la Nature, où celle-ci est réformée par le rêve, où elle est corrigée, embellie, refondue. »
Une invitation poétique
Baudelaire tente, dans ce poème, d’emprunter trois voies pour parvenir à ce lieu idéal néo-platonicien, cette surnature caractérisée par le refrain : « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, / Luxe, calme et volupté. » Ces trois tentatives ont pour point commun de s’inspirer de la théorie des correspondances, cette intuition des analogies profondes qui parcourent le monde sensible et lui donnent un sens esthétique.
La première tentative par ordre d’apparition est liée à l’invitation amoureuse. Elle consiste à contempler la femme-tableau. La première strophe est divisée en deux parties égales : l’invitation proprement dite jusqu’au sixième vers, puis l’évocation de l’aimée au moyen d’un paysage jusqu’au douzième vers. Le sixième vers assure la transition par une formule comparative et assimilatrice, le « pays qui te ressemble ! ». Le parallélisme est donc souligné par cette symétrie. La correspondance entre Marie Daubrun et ce « là-bas » mythique est développée dans la description du paysage. La ressemblance de l’aimée avec le tableau transforme la femme en un lieu d’élection, un état de bien-être psychologique. Cette correspondance entre Marie Daubrun et ce monde enchanteur comble l’âme plus que la sensualité. Cette expérience spiritualise l’amour charnel et lui permet d’accéder à l’Idéal. La version en prose explicite cette recherche ésotérique : « Ne serais-tu pas encadrée dans ton analogie, et ne pourrais-tu pas te mirer, pour parler comme les mystiques, dans ta propre correspondance ? » Par cette transsubstantiation, la femme devient une image de l’âme du poète qu’il faut protéger contre les grossièretés de la réalité, les avanies du positivisme bourgeois. La contemplation du tableau s’effectue en quelque sorte dans les mêmes conditions que dans le poème « Correspondances ». L’ oxymore « soleils mouillés », le floutage de « ciels brouillés » renvoient aux « forêts de symboles », aux « regards familiers » qui créent cet effet d’« échos qui de loin se confondent ». La correspondance, ou « l’unité », reste essentiellement « mystérieu[se] ».
La deuxième tentative emploie implicitement l’expérience des synesthésies comme dans le poème « Correspondances ». Vue, toucher et olfaction se combinent pour accéder au-delà des apparences, pénétrer dans « Les miroirs profonds ». L’odorat est encore le sens le plus subtil pour se mouvoir dans ce monde des sensations. Les « senteurs de l’ambre » sont souveraines pour suggérer « La splendeur orientale », la magie des Mille et une Nuits . Là encore, l’unité est « vague » 15 . Ce qui en résulte est un murmure poétique, une voix intérieure : « Tout y parlerait / À l’âme en secret / Sa douce langue natale » à rapprocher des « confuses paroles » de « Correspondances » ou du « langage des fleurs et des choses muettes » d’« Élévation ». Le qualificatif « natale » connote en outre cet ailleurs lointain d’un paradis perdu, le « secret douloureux » qui « faisait languir » le poète enfant de « La Vie antérieure ».
La troisième tentative est celle du voyage rêvé, du voyage immobile. Lorsque l’âme du poète se confond avec la femme aimée, ou se substitue à elle, elle se détache du corps emprisonné dans la réalité mesquine et décevante. Elle est propulsée dans une sorte d’apesanteur qui la conduit à planer sans effort au-dessus du monde 16 . Cette lévitation l’entraîne dans des périples qui l’affranchissent du temps et de l’espace. L’image en est « ces vaisseaux » qui dorment dans le port mais « Dont l’humeur est vagabonde ». Ce dernier terme ne peut que rappeler « Moesta et Errabunda 17 (Triste et Vagabonde) », qualificatifs qui s’adressent à Agathe, la belle âme, dans sa tentative d’échapper au « noir océan de l’immonde cité ». Le bateau n’est plus qu’une promesse de bonheur, une invitation à rêver, l’embarquement imaginaire pour le « paradis parfumé », « le vert paradis des amours enfantines ». Chez Baudelaire l’imagination poétique crée sans cesse des correspondances entre les poèmes, voyages par les mots.
Les correspondances ont donc pour principale fonction de dilater l’espace et le temps pour affranchir l’être de sa finitude. La femme aimée devient un paysage, une contrée dont elle est l’âme. Les lieux clos s’ouvrent sur l’infini. L’œil de l’aimée prend la profondeur du ciel, la chambre s’élargit par la magie des parfums et le jeu des miroirs, la Hollande évoque l’Orient.
Pour produire cette supplique poétique qui doit fasciner l’élue et l’inviter à rejoindre l’artiste, Baudelaire recourt à une musicalité envoûtante fondée sur des vers impairs 18 et un subtil mélange de rythmes binaires et ternaires . La disposition spatiale du poème repose sur trois strophes et trois refrains. Chaque strophe construite en douzains s’appuie sur quatre distiques en pentasyllabes suivis d’un heptasyllabe. Le refrain quant à lui est composé exclusivement d’heptasyllabes. Il est lui-même composé sur un groupement binaire « ordre et beauté » suivi d’une réunion ternaire « Luxe, calme et volupté. » La première strophe débute par une invite binaire : « Mon enfant, ma sœur », elle se poursuit par une incantation ternaire : « Aimer à loisir, / Aimer et mourir » bâtie sur une reprise binaire. La deuxième strophe présente un rythme cumulatif pour évoquer le luxe d’un intérieur hollandais, mais la disposition des éléments invite à le décomposer en un groupement binaire, « meubles » et « fleurs », suivi d’un ensemble ternaire « Les riches plafonds, / Les miroirs profonds, / La splendeur orientale ». La dernière strophe reprend, elle aussi, un groupe ternaire et binaire : « les champs, / Les canaux, la ville entière » et « D’hyacinthe et d’or ». Les rythmes binaires correspondent à l’expression de l’affectivité, tandis que les rythmes ternaires évoquent plutôt l’ordre, l’équilibre harmonieux. Ainsi la beauté ternaire (souvent froide et marmoréenne chez Baudelaire quand elle est classique) se réchauffe-t-elle à l’affectivité des rythmes binaires. Cet aspect est assez apparent dans le refrain où les rythmes sont utilisés à contre-emploi : « ordre et beauté » évoquent la rigueur, tandis que « Luxe, calme et volupté » suggèrent une douce sensualité. Cet effet est voulu car, tout au long du poème, Baudelaire poursuit la quête de l’unité obtenue notamment par l’alliance des contraires. Atteindre l’Idéal passe notamment par la réconciliation du corps et de l’esprit, de la sensualité et de l’adoration, du désir et de la contemplation. C’est pourquoi cette démarche prend forcément des accents religieux. L’amour poétique ne peut être que mystique.
Le dernier aspect caractéristique du poème est le retour régulier des éléments qui crée un effet de balancement comme dans une berceuse. À la fin de la troisième strophe d’ailleurs, « Le monde s’endort / Dans une chaude lumière. », l’emploi du présent marque le figement du temps, une entrée dans l’éternité. Le poème est destiné à enchanter les angoisses du spleen. Baudelaire reprend la magie des berceuses de son enfance qui devaient conjurer ses frayeurs nocturnes. Curieusement, il attend de son amante qu’elle ait un rôle maternel. Comme dans « La servante au grand cœur » 19 il désire qu’elle « Couv[e] l’enfant grandi de son œil maternel ». Il est vrai que le jeune Baudelaire a été marqué profondément par le remariage de sa mère avec le général Aupick, ayant l’impression d’avoir été abandonné à cette occasion. Ainsi, l’unité primordiale néo-platonicienne, le paradis perdu et le « vert paradis des amours enfantines » sont réunis en une seule quête dans ce poème.
Tour à tour, invitation amoureuse, contemplation esthétique, méditation poétique, ce poème unifie les tentatives de recherche du bonheur. On peut dire cependant que l’aimée s’estompe au profit de la démarche poétique. « L’invitation au voyage » pourrait être vécue à deux. Mais grâce à la magie enchanteresse des vers, le poète peut éprouver un apaisement narcissique. Dans la version en prose, cet aspect est souligné « Ces énormes navires […] tout chargés de richesses, et d’où montent les chants monotones de la manœuvre, ce sont mes pensées qui dorment ou qui roulent sur ton sein. Tu les conduis doucement vers la mer qui est l’Infini, tout en réfléchissant les profondeurs du ciel dans la limpidité de ta belle âme ; — et quand, fatigués par la houle et gorgés des produits de l’Orient, ils rentrent au port natal, ce sont encore mes pensées enrichies qui reviennent de l’infini vers toi. » La femme n’est qu’un chemin possible dans la quête. Même si l’aimée ne répondait pas à l’invitation, le poète serait capable par la « sorcellerie évocatoire » 20 de vivre la promesse future au présent.
Pour Baudelaire, les plus beaux voyages sont ceux que l’on imagine idéalement loin des contingences et des lourdeurs du réel. Il est à la recherche d’un art de vivre raffiné qui doit nourrir la satisfaction des sens et la contemplation esthétique. Ce poème qui ressemble à une berceuse s’achève sur le sommeil. La rêverie éveillée rejoint le rêve. Pour un temps éphémère (mais une éternité dans le poème, car le sommeil est voisin de la mort) le poète a vaincu la terrible solitude et atteint à la plénitude affective dans l’amour fusionnel et la contemplation du beau partagé.
« L’invitation au voyage » est un parcours initiatique dans l’univers poétique quintessencié de l’Idéal. Ces instants de grâce sont peu présents dans ce bouquet maladif dominé par l’écrasante victoire du Spleen. Aussi pouvons-nous savourer ce chef-d’œuvre d’équilibre et de musicalité comme une fleur unique.
1 Cette misogynie apparaît plus clairement dans la version ultérieure des Petits Poèmes en prose car Baudelaire a connu depuis plusieurs déceptions sentimentales. Qu’on en juge : « pays de Cocagne […] où la cuisine elle-même est poétique, grasse et excitante à la fois ; où tout vous ressemble, mon cher ange. » ↑ 2 S’agirait-il d’une réminiscence de la magie incantatoire d’ Andromaque lorsque la prêtresse du souvenir invoque la force de ses sentiments ? « Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle. » ↑ 3 La blondeur de Marie Daubrun trouve son écrin dans les brumes du Nord. ↑ 4 Le terme désigne bien sûr ce qui séduit chez une femme en même temps que l’effet d’une recette magique qui transforme l’ordre naturel. ↑ 5 Ce poème est une évocation d’une gravure de Callot. ↑ 6 Littré relève dans son Dictionnaire : « Terme de peinture. Partie d’un tableau qui représente le ciel. Ce peintre fait bien les ciels. Aspect particulier du ciel de tel ou tel pays. Ce peintre reproduit bien les ciels de l’Italie. » ↑ 7 « — Et d’autres, corrompus , riches et triomphants, Ayant l’expansion des choses infinies, Comme l’ ambre , le musc, le benjoin et l’encens, Qui chantent les transports de l’esprit et des sens . » ↑ 8 Baudelaire a peut-être pensé au célèbre tableau de Van Eyck, Les Époux Arnolfini . ↑ 9 Si nous sommes bien en Hollande, Baudelaire envisage la prestigieuse Compagnie néerlandaise des Indes orientales. ↑ 10 La version en prose maintient l’ambiguïté. « Sur des panneaux luisants, ou sur des cuirs dorés et d’une richesse sombre, vivent discrètement des peintures béates, calmes et profondes , comme les âmes des artistes qui les créèrent. » Cette notation conforte notre thèse. En revanche la suivante l’infirme : « Les soleils couchants, qui colorent si richement la salle à manger ou le salon, sont tamisés par de belles étoffes ou par ces hautes fenêtres ouvragées que le plomb divise en nombreux compartiments. » ↑ 11 Ce terme mérite d’être correctement défini. Il peut désigner une pierre précieuse, une étoffe, une fleur et une couleur. La pierre d’hyacinthe existe sous quatre formes : la première tire sur la couleur du rubis ; la seconde est d’un jaune doré ; la troisième, d’un jaune-citron ; la quatrième, de la couleur du grenat. Notons que les deuxième et troisième formes doublonneraient avec l’or. L’étoffe a la couleur de cette pierre. « De l’hyacinthe, de la pourpre, de l’écarlate teinte deux fois » SACI, Bible, Exode , XXV, 4. Les fleurs peuvent prendre toutes les teintes du blanc au violet foncé en passant par toutes les nuances comme le rose, le bleu, le rouge, le jaune ou l’orangé. Quant à la couleur d’hyacinthe, c’est un bleu céleste, ou un violet fort chargé, comme la couleur de la violette. Baudelaire vise sans doute cet emploi plus conforme avec le symbolisme de la tempérance, de l’équilibre entre le ciel et la terre, les sens et l’esprit, la passion et la raison. ↑ 12 Ce tableau final est à rapprocher de celui de « La Vie antérieure » : « Que les soleils marins teignaient de mille feux, [… où se] Mêlaient d’une façon solennelle et mystique Les tout-puissants accords de leur riche musique Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux. » ↑ 13 Titre d’un des poèmes de la section « Spleen et Idéal ». ↑ 14 Cette atmosphère mystique et religieuse du coucher du soleil a été développée dans « Harmonie du soir » où l’on relève à la rime des termes comme « encensoir », « reposoir », « ostensoir », objets liturgiques qui mêlent surtout les ors, les rouges et le violet. ↑ 15 Une autre manière d’exprimer le caractère indicible de la « ténébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté ». ↑ 16 Cet envol pourrait se rattacher à l’expérience des « Paradis artificiels », plus particulièrement aux effets des opiacés. Dans la version en prose Baudelaire n’écrit-il pas : « Des rêves ! toujours des rêves ! et plus l’âme est ambitieuse et délicate, plus les rêves l’éloignent du possible. Chaque homme porte en lui sa dose d’opium naturel, incessamment sécrétée et renouvelée ». Rappelons qu’en effet Baudelaire usa et abusa du laudanum, préparation à base d’alcaloïdes du pavot somnifère, pour soulager les douleurs causées par sa syphilis. ↑ 17 Un des derniers poèmes de la section « Spleen et Idéal ». ↑ 18 Comme l’a fait Verlaine qui, dans son « Art poétique », écrivait : « De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l’ Impair , Plus vague et plus soluble dans l’air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. » ↑ 19 Un autre poème des Fleurs du mal . ↑ 20 Employés pour définir la peinture d’Eugène Delacroix et l’œuvre de Théophile Gautier, les termes de Baudelaire sont particulièrement caractéristiques de sa propre tentative : « Manier savamment une langue, c’est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire. C’est alors que la couleur parle, comme une voix profonde et vibrante, que les monuments se dressent et font saillie sur l’espace profond ; que les animaux et les plantes, représentants du laid et du mal, articulent leur grimace non équivoque, que le parfum provoque la pensée et le souvenir correspondants ; que la passion murmure ou rugit son langage éternellement semblable. » Curiosités esthétiques. L’Art romantique. ↑
- Baudelaire : repères biographiques
- Biographie de Baudelaire
- Le thème du soir dans Les Fleurs du Mal
- Charles Baudelaire et les « beautés météorologiques »
- Les Fleurs du Mal , « À une passante »
- Les Fleurs du Mal , « Correspondances »
- Les Fleurs du Mal , « Les Bijoux »
- Les Fleurs du Mal , « L’Albatros »
- Les Fleurs du Mal , Spleen : « J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans. »
- Petits poèmes en prose , « Confiteor de l’artiste »
- Petits poèmes en prose , « Le Vieux Saltimbanque »
- Baudelaire sur Wikisource

« L'invitation au voyage », Les Fleurs du Mal, 1857 : un commentaire composé
Rédigé le 8 décembre 2021
9 minutes de lecture

- 01. Le poème commenté
- 02. Méthode du commentaire composé en poésie
- 03. Le commentaire composé du poème

Le poème commenté
L'invitation au voyage Mon enfant, ma sœur, Songe à la douceur D’aller là-bas vivre ensemble ! Aimer à loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble ! Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes. Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Des meubles luisants, Polis par les ans, Décoreraient notre chambre ; Les plus rares fleurs Mêlant leurs odeurs Aux vagues senteurs de l’ambre, Les riches plafonds, Les miroirs profonds, La splendeur orientale, Tout y parlerait À l’âme en secret Sa douce langue natale. Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Vois sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l’humeur est vagabonde ; C’est pour assouvir Ton moindre désir Qu’ils viennent du bout du monde. – Les soleils couchants Revêtent les champs, Les canaux, la ville entière, D’hyacinthe et d’or ; Le monde s’endort Dans une chaude lumière. Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857

Méthode du commentaire composé en poésie
Avant la lecture.
Il faut étudier le paratexte , c'est-à-dire le titre, l'auteur, la date, etc. Ces informations doivent être recoupées avec vos connaissances émanant du cours (courant littéraire, poète, recueil, etc.).
Le titre engage également à des attentes. Il donne des indices sur la nature du poème que le lecteur s'apprête à lire.
En poésie, la forme est décisive : regarder le texte « de loin » permet d'avoir déjà une idée de la démarche du poète :
- Vers, strophes ?
- Si vers : vers réguliers, vers libres ?
- Si vers réguliers : quel type de rimes ?
- Le nombre de strophes...
Pour la lecture
Nous vous conseillons de lire le poème plusieurs fois , avec un stylo à la main qui vous permettra de noter ou souligner une découverte, une idée.
1 ère lecture :
- Identifier le thème général du poème,
- Identifier le registre : comique ? pathétique ? lyrique ? etc.,
- Identifier les procédés d'écriture pour diffuser le sentiment du registre choisi : l'exclamation ? La diérèse ? etc.
2 ème lecture :
- Dégager le champ lexical ,
- Place des mots : un mot au début du vers n'a pas la même valeur qu'un mot placé en fin de vers,
- Déceler les figures de style (généralement très nombreuses dans un poème),
- Travail sur les rimes : lien entre des mots qui riment, rimes riches ou faibles, etc.,
- Analyse du rythme avec les règles de métriques.
En filigrane, vous devez garder cette question en tête pour l'analyse des procédés d'écriture : comment le poète diffuse-t-il son thème général et comment fait-il ressentir au lecteur ses émotions ?
Rédaction du commentaire
Ici, nous détaillerons par l'italique les différents moments du développement, mais ils ne sont normalement pas à signaler. De même, il ne doit pas figurer de tableaux dans votre commentaire composé. Les listes à puces sont également à éviter, tout spécialement pour l'annonce du plan.
En outre, votre commentaire ne doit pas être aussi long que celui ici, qui a pour objectif d'être exhaustif. Vous n'aurez jamais le temps d'écrire autant !
Le commentaire composé du poème
Introduction.
Dans la section « Spleen et Idéal » du recueil des Fleurs du Mal (1857) , Charles Baudelaire insère un poème pour le moins exotique, qui s'intitule « L'invitation au voyage ».
Le poète y évoque un monde idéal, inspiré par la femme aimée (en ce temps-là, il s'agit de Marie Daubrun) en même temps que par l'élan poétique. Les deux figures (la Femme et la Poésie) se confondent pour nourrir l'espoir d'un voyage parfait , répondant à toutes les peurs du poète.
Annonce de la problématique
Dès lors, dans quelle mesure le voyage proposé est-il poétique avant tout ?
Annonce du plan
Nous verrons dans un premier temps la dimension amoureuse de l'invitation. Nous analyserons ensuite la manière dont se mélange l'imaginaire et le réel dans le voyage décrit. Nous mettrons enfin au jour le caractère singulier de ce voyage-là.

Développement
Une invitation amoureuse.
L'invitation du poète est avant tout une invitation amoureuse fait à une femme. En effet, elle (l'invitation) s'adresse à elle (la femme), elle est engendrée par elle et elle fusionne en elle.
Adresse à la femme aimée
Manifestement, c'est la femme qui encadre le poème . Le premier vers est une dénomination affective (« Mon enfant, ma sœur »), tandis que l'avant-dernière strophe , avant la venue du dernier refrain, commence avec un impératif (« Vois »). Cet impératif était d'ailleurs déjà présent dès le deuxième vers (« Songe à la douceur »), et souligne le fait que ce poème est une adresse à quelqu'un.
Mais plusieurs indices démontrent que le destinataire est une femme « aimée » par le poète :
- le fait qu'elle est caractérisée par ses yeux (« De tes traîtres yeux » et « Vois »)
- le fait qu'elle est mystérieuse, donc envoûtante (« charmes si mystérieux »)
Enfin, le terme « ensemble », comme l'emploi des pronoms possessifs (tel « notre ») témoigne du caractère fusionnel du couple. On peut relever, dans le même ordre d'idée, les rimes embrassées (soit ABAB) , et l'alternance entre les rimes masculines (comme entre les vers 1-2, ou les vers 4-5) et les rimes féminines (vers 3, vers 6, vers 9, ...).
Mais plus qu'une simple destinataire, la femme est le point de départ du voyage : c'est en la regardant que le poète s'imagine l'exotisme des contrées anticipées.
La fusion du paysage et de la femme
Si la femme est en même temps la destinataire et le point de départ du voyage, c'est que s'opère une fusion entre le paysage et la femme dans l'esprit du poète.
Il y a ainsi une correspondance étroite entre la femme et le paysage . Le poème l'affirme explicitement : « Au pays qui te ressemble ! », où le point d'exclamation souligne le caractère pulsionnel du sentiment amoureux, provoqué par la vue du paysage autant que par la vue de la femme.
En outre, le paysage et la femme aimée se caractérisent, sous la plume du poète, par deux éléments essentiels : la lumière et l'eau. En effet, les « soleils mouillés » des « ciels brouillés » sont pareils aux « traîtres yeux » de la femme qui brillent « à travers leurs larmes »
Enfin, dans l'avant-dernière strophe, la femme devient la divinité du paysage promis par le voyage. Les bateaux (« ces vaisseaux ») ont parcouru le monde entier rien que pour « assouvir [s]on moindre désir ».

Transition :
Cette identification entre femme aimée et voyage soulignent combien le poète se laisse bercer par son imaginaire, et fait de son voyage un rêve éveillé.
Entre imaginaire et réalité
Le voyage promis par le poète oscille entre rêve, réalité, et idéal.
Le rêve éveillé
La référence à la chambre , décrite tout au long de la troisième strophe, renvoie le lecteur à l'idée de sommeil, et donc à celle de rêve.
Effectivement, le champ lexical du rêve parcourt tout le poème : « Songe » (vers 2), « Dormir » (vers 30), « soleils couchants (vers 35), « s'endort » (vers 39). Le paysage décrit n'a rien de précis, et apparaît voilé, comme irréel : « soleils mouillés » (vers 7), « ciels brouillés » (vers 8), « mystérieux » (vers 10), « brillant » (vers 12), « vagues » (vers 20), etc.
En outre, chaque strophe se concentre sur un thème - et un paysage - différent :
- strophe 1 : les grands cieux
- strophe 2 : la chambre
- strophe 3 : les canaux
Comme dans un rêve, tout semble s'enchaîner sans continuité logique. En outre, le lieu n'est jamais nommé , comme s'il n'était pas identifiable (comme dans un rêve) ; simplement, il est « là ».
Un voyage idéal
Le rêve est donc l'occasion, pour le poète, d' un voyage imaginaire . Cette dimension est mise en évidence par plusieurs procédés :
- l'utilisation du conditionnel (« Décoreraient » au vers 17, « parlerait » au vers 24)
- l'utilisation de l'infinitif (« D'aller » au vers 3, « Aimer » aux vers 4 et 5), qui souligne l'immobilité et la passivité du voyageur, en même temps que l'intemporalité du fantasme exotique
De fait, le voyage imaginaire de Baudelaire l'est avant tout par son caractère idéal . Comme le refrain vient le rappeler, son imagination lui promet « ordre », « beauté », « luxe », « calme », « volupté », soit une véritable vision paradisiaque.
Plusieurs champs lexicaux vont dans ce sens de l'idéal :
- la lumière : « soleils » aux vers 7 et 35, « Brillant » au vers 12, « luisants » au vers 15, « or » au vers 38, etc.
- la beauté : « charmes » au vers 9, « beauté » aux vers 13, 27 et 41, « splendeur » au vers 23
- l'exotisme : « vagues senteurs de l'ambre » au vers 20, « orientale » au vers 23, « du bout du monde » au vers 34
De même, les figures de style y participent :
- les hyperboles : « Si mystérieux » au vers 10, « tout » aux vers 13, 24, 27 et 41, « la ville entière » au vers 37
- les superlatifs : « les plus rares fleurs » au vers 18, « ton moindre désir » au vers 33
Transition :
Mais lorsqu'il est question d'idéal, chez Baudelaire, il s'agit bien souvent de celui de la poésie.
La poésie, premier et dernier voyage
La poésie est un voyage pour le poète : la musicalité interne le prouve tout autant que la création inédite de certaines images.
Un poème sonore
« L'invitation au voyage » est un poème qui fait entendre une forte musicalité.
La dimension la plus évidente, c'est sa construction à la manière d'une chanson :
- chaque strophe est suivie d'un refrain
- chaque strophe comporte le même nombre de vers (douze)
- chaque strophe fait alterner deux pentasyllabes et un heptasyllabe
Ainsi, à la lecture du poème se dégage une parfaite harmonie musicale , avec un rythme régulier , le tout surplombé par des diérèses fréquentes (« mystérieux » au vers 10, « orientale » au vers 23, etc.).
L'harmonie est également permise par des vers courts qui sont prolongés par des enjambements, sans rejet ni contre-rejet :
- « Songe à la douceur / D'aller là-bas vivre ensemble ! »
- « Aimer et mourir / Au pays qui te ressemble ! »
Enfin, la fluidité du poème est facilitée par l'allitération en /l/, qui court sur tout le poème : « D'aller là-bas vivre ensemble » (vers 3), « Luxe, calme et volupté » (vers 14, 28 et 42), « Des meubles luisants/Polis par les ans » (vers 15 et 16), etc.

L'idéal poétique
En élaborant son poème, Baudelaire réalise une parole performative , c'est-à-dire qui se réalise elle-même . En effet, le poème lui-même est le voyage vers son idéal.
Il y a d'abord les synesthésies et les correspondances, qui donne au monde entier une cohérence, une unité :
- les fleurs mêlent leurs odeurs à tous les objets (« Les plus rares fleurs/Mêlant leurs odeurs/Aux vagues senteurs de l’ambre »)
- le soleil émet de l'or (« Les soleils couchants/Revêtent les champs,/Les canaux, la ville entière,/D’hyacinthe et d’or ; »)
- le monde fonctionne comme un tout (« Le monde s’endort/Dans une chaude lumière. »
Ainsi, c'est dans sa poésie que se réalise les deux vers du refrain :
Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.
Le « Là », indéterminé, est en fait l'endroit de la poésie. Le refrain fonctionne alors comme une formule magique , et donne une allure incantatoire à l'ensemble du poème.
Fidèle à sa théorie des correspondances , Baudelaire se fait le lecteur du monde et de ses signes. Ainsi des vers qui suivent :
Tout y parlerait À l’âme en secret Sa douce langue natale.
L'espoir du poète, c'est que son poème parle à l'âme , directement, à travers la possibilité d'une langue originaire. Le poète, c'est celui qui parle la langue de l'invisible, et la communique.
En définitive, ce poème réalise (effectivement) le rêve de Baudelaire, que lui inspire la femme : atteindre l'idéal, fût-ce à travers la poésie. Pour un temps au moins, le poète a dépassé le spleen.
À travers une forte musicalité et la description de paysages exotiques, Baudelaire sublime le monde par le langage poétique.
Cette manière d'imposer le poète comme le lecteur du monde et de faire de la poésie un voyage sera prolongée par Arthur Rimbaud, digne héritier de Charles Baudelaire.
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Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.
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Baudelaire, Les Fleurs du Mal « L’invitation au voyage » Commentaire linéaire
Introduction, problématique, axes de lecture pour un commentaire composé :, premier mouvement : une invitation à la poésie, deuxième mouvement : un étirement de l’espace et du temps, troisième mouvement : vers un moment d’éternité, le site existe grâce à vous .
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Baudelaire explication linéaire de l’Invitation au voyage
Idées de problématiques :
En quoi cette invitation au voyage révèle-t-elle l’idéal baudelairien ?
Quel est l’or de ce poème ?
Comment Baudelaire propose-t-il un voyage idéal, un or poétique ?
C’est un poème d’une grande régularité : 3 strophes de 12 vers, accompagnées du même refrain de 2 vers. Chaque strophe est composée d’une succession de deux pentasyllabes (5 syllabes) et d’un heptasyllabe (7 syllabes). Cela crée un poème particulièrement original dans sa composition, et d’une grande musicalité.
On se laisse bercer par le poème, tout autant que par ses images.
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8 Baudelaire, “L’Invitation au voyage” – Tyler Rowe
Charles baudelaire: contexte biographique.

Charles Baudelaire (1821-1867) a moins souvent et moins longtemps voyagé que d’autres poètes du 19e siècle. C’est même contraint et forcé qu’il effectue, en juin 1841, l’unique grand voyage de sa vie. Afin de l’assagir et de l’arracher à la vie de bohème qu’il mène au Quartier latin à Paris, sa mère et son beau-père décident en effet de le faire embarquer sur un voilier, en partance pour Calcutta. En réalité, Baudelaire ne se rendra jamais aux Indes. Après s’être arrêté à l’île de Maurice, puis à l’île Bourbon (aujourd’hui La Réunion), il refuse e poursuivre sa route et revient en France en février ou mars 1842. Mais durant ces quelques mois, il a découvert la mer, des horizons nouveaux et ensoleillés qu’il évoquera plus tard dans plusieurs de ses poèmes (« L’Albatros », « L’Homme et la mer », « À une dame Créole », par exemple).
Pourtant, ce n’est pas à cause de ce voyage que l’on a pu écrire des Fleurs du mal (publiés en 1857 et enrichies en 1861) qu’elles étaient la « Bible de l’exotisme ». Si le thème du voyage et de l’exotisme occupe tant de place dans Les Fleurs du mal , cela tient avant tout à leur signification et à l’expérience morale qu’elles relatent.
Selon Baudelaire, en effet, l’homme est « double », déchiré entre le Ciel et l’Enfer, entre son désir de « monter » vers Dieu et la tentation de « descendre » vers Satan. Son existence se déroule sous le signe du « spleen », c’est-à-dire l’« ennui », de tout ce qui empêche l’homme de « monter » vers Dieu.
Aussi Les Fleurs du mal recensent-elles les moyens d’échapper à ce « spleen ». Parmi eux figure le voyage exotique. Le thème se colore donc, chez Baudelaire, d’une teinte particulière : le voyage, c’est l’aspiration à connaître un autre monde, un univers de pureté et d’innocence ; l’exotisme, c’est la manière dont le poète l’imagine.
Le poème “L’Invitation au voyage”
Mon enfant, ma soeur, Songe à la douceur D’aller là-bas vivre ensemble! Aimer à loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble! Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté
Des meubles luisants,
Polis par les ans, Décoreraient notre chambre; Les plus rares fleurs Mêlant leurs odeurs Aux vagues senteurs de l’ambre, Les riches plafonds, Les miroirs profonds, La splendeur orientale, Tout y parlerait À l’âme en secret Sa douce langue natale.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l’humeur est vagabonde; C’est pour assouvir Ton moindre désir Qu’ils viennent du bout du monde. — Les soleils couchants Revêtent les champs, Les canaux, la ville entière, D’hyacinthe et d’or; Le monde s’endort Dans une chaude lumière.
Questions sur “L’Invitation au voyage”
- Quel est l’effet d’avoir un refrain dans un poème ? Quel est l’effet de ce refrain en particulier sur ce poème ?
- Dans ce poème, il s’agit d’un voyage imaginaire/rêvé. Comment est-ce que le poète crée ce monde onirique ? (champ lexical, figures de style, etc.) Pourquoi est-ce qu’il crée ce monde ?
- On remarque une rime tripartite (AABCCB)– quel est l’effet de cette rime sur le poème ?
- On remarque souvent dans la poésie de Baudelaire un jeu des antithèses, ou bien des juxtapositions, qu’est-ce que le narrateur juxtapose dans ce poème ?
- Est-ce qu’il existe des exemples de la synesthésie ? Quelle est l’importance de la synesthésie dans ce poème ?
Questions sur le tableau “Luxe, came et volupté”

- Comment est-ce que ce tableau pourrait appartenir au mouvement pointilliste (ou bien, divisionniste , plus spécifiquement) ? Comment pourrait-il appartenir au mouvement fauviste (le mouvement auquel on relie Matisse le plus souvent) ?
- Normalement, on pense à la peinture à travers les yeux de quelqu’un. Alors, qui est le spectateur de cette peinture ?
- Comment est-ce que la description du paysage rêvé qui se trouve dans « L’Invitation au voyage » se montre dans ce tableau ?
- Est-ce que Matisse s’est inspiré d’autres artistes par rapport aux formes des personnages ?
- Comment est-ce que cette peinture se diffère des autres peintures de l’époque ? de ce mouvement ? d’autres tableaux de Matisse ?
Essai critique
(Dé)Peindre L’Invitation au voyage : Une relecture ekphrastique du poème de
Charles Baudelaire pour le tableau Luxe, calme et volupté d’Henri Matisse
L’œuvre de Charles Baudelaire, plus particulièrement Les Fleurs du mal , a connu pas mal d’illustrations pendant ses publications multiples. Ces illustrations figurent dans les éditions illustrées du recueil dans lesquelles il s’agit de plusieurs poèmes qui sont accompagnés par une image [1] , mais elles existent aussi à part– c’est-à-dire des poèmes des Fleurs du mal qui servent de sources d’inspiration de peintres divers. Dans cette étude, nous verrons comment un des poèmes les plus célèbres du recueil, « L’Invitation au voyage » (1857), a inspiré le tableau quasiment célèbre du peintre Henri Matisse, Luxe, calme et volupté (1904). De manière surprenante, il n’existe pas beaucoup de recherche sur le rapprochement entre le poème et le tableau tant connus. En effet, Jack Flam, historien d’art et professeur, constate dans son livre, Matisse : The Man and His Art 1869-1918, qu’on ne voit rien du poème de Baudelaire dans le tableau sauf le refrain qui sert de titre : « Luxe, calme et volupté is essentially ambiguous and enigmatic ; its ambiguity is built into its very structure » (118-120). Pourtant, même si le tableau rejette une analyse de son sujet, à l’aide d’une analyse plus profonde du poème, on pourrait discerner un lien fort entre les deux qui va plus loin d’une inspiration titulaire. Ainsi, dans un premier temps, nous établirons une explication de texte du poème de Baudelaire ainsi qu’une lecture approfondie du tableau de Matisse. Ensuite, ces deux analyses nous aideront à répondre à la question suivante : comment est-ce que le poème « L’Invitation au voyage » se prête à une lecture ekphrastique qui aurait pu donner le tableau Luxe, calme et volupté (Figure 1) ?
Avant de plonger dans une analyse des deux œuvres, il faut commencer par une définition d’ekphrasis. Tout simplement, l’ekphrasis est un terme grec qui désigne une « description » précise, détaillée et à l’écrit d’une œuvre d’art réelle ou fictive. Gotthold Ephraim Lessing, écrivain allemand et critique d’art du 18e siècle, expose son argument de la théorie d’ekphrasis dans son essai, Laocoon ou des frontières respectives de la poésie et de la peinture (1766-1768). Laocoon était prêtre troyen qui a été tué avec ses deux fils par deux serpents géants envoyé par Apollon. Des variantes de cette histoire existe, mais le débat se centre sur le récit de cette histoire de Virgile dans son épopée Énéide et la sculpture de Laocoon, dont la date est mise en question. La question centrale qu’explore Lessing dans son essai est si le sculpteur dépendait sur le récit de Virgile pour créer son œuvre d’art ou si Virgile dépendait sur la sculpture pour son inspiration littéraire. Lessing soutient que la peinture, soumise au principe de simultanéité, représente des corps coexistant dans l’espace, tandis que la poésie, soumis au principe de diachronie, représente des actions se succédant dans le temps– c’est-à-dire que l’image est spatiale alors que la poésie est temporelle. Il va de soi que Matisse se soit inspiré du poème puisque la publication de L’Invitation au voyage précède le tableau d’environ cinquante années. Pourtant, la thèse de Lessing que l’image est spatiale alors que la poésie est temporelle sera une manière de rapprocher l’œuvre de Baudelaire à celle de Matisse. Ainsi, cette étude servira non seulement de montrer un rapport entre le poème et la peinture comme deux entités qui existent complémentairement, mais aussi elle a pour but de rejeter le constat de Lessing en exposant que le poème de Baudelaire existe aussi dans l’espace tandis que la peinture de Matisse fait preuve d’une certaine temporalité.
Ce poème est extrait de « Spleen et Idéal, première partie des Fleurs du mal . L’amour dans ce poème se colore de spiritualité. Ce poème a été inspiré par Marie Daubrun avec qui Baudelaire a vécu de 1847 à 1856 et à qui il a voué une passion raffinée.
Baudelaire « invite » Marie Daubrun à partir ailleurs, dans un pays qui se confondrait avec l’amour et le bonheur. Aussi, ce poème, l’un des plus célèbres et des plus harmonieux des Fleurs du mal , permet-il de comprendre la conception que le pète se fait du voyage, et la fonction que l’exotisme remplit de son œuvre. Plus que d’un voyage véritable, qui peut toujours décevoir, il s’agit d’une promesse de voyage, où le rêve peut s’épanouir sans contrainte ; et plus que d’un pays précis, il s’agit d’une contrée imaginaire, où l’âme retrouverait sa « patrie idéale ».
« L’Invitation au voyage » se compose de trois strophes séparées par un refrain. La première strophe développe une longue analogie entre le pays rêvé et la femme aimée ; la second décrit la chambre que le poète et sa compagne habiteraient ; la troisième strophe évoque enfin la paix qui, le soir, baigne une ville.
L’intérêt et le pouvoir de suggestion des deux premiers vers résident dans leur musique. Le rythme très lent du pentasyllabe (vers de cinq syllabes) et la douceur des sonorités engendrent une impression de paix et de tendresse :
MON Enfant, ma Sœur,
SONge à la DOUcEUr…
Le vocabulaire la renforce. Les adjectifs possessifs possèdent une évidente résonance affective, tout comment les noms « enfant » et « sœur ». Selon Baudelaire, l’amour, dans sa forme spirituelle la plus haute, crée entre les amants une fraternité des esprits et des cœurs. C’est une raison pourquoi il appelle Marie « ma sœur » (v. 1). Le vers 3, qui est un heptasyllabe (vers de sept syllabes), se déploie comme un rêve, dont l’idée était contenue dans le verbe « songer » (v. 2). L’imprécision géographique (« là-bas ») sollicite et favorite l’imagination. En écho à « Songe à la douceur » (v. 2), les vers 4 et 5 indique la raison de se rendre « là-bas » : pour y « aimer ». Ils fournissent également une première précision sur cet ailleurs. Le temps, la souffrance, les contraintes de la vie quotidienne n’y existent plus, puis l’on peut y aimer « à loisir » (v. 4). Le vers 6 en parachève le caractère idéal : une « correspondance » s’établit entre la femme aimée et ce « pays ». Autrement dit, l’amour aspire à vivre pour et par lui seul, dans une région où il régnerait en maître ou en dieu. Une structure, fondée sur le principe du reflet, apparaît ainsi : l’amour renvoie au « pays », qui lui-même s’identifie à la femme, inspiratrice de l’amour. Cette « correspondance » s’élargit dans les vers 7 à 12.
Sur le plan de la signification, elle repose sur une équivalence entre les « soleils mouillés de ces ciels brouillés » (dans un ciel troublé par de légers nuages de pluie) et les yeux embués de larmes de Marie. Ce sont les mêmes reflets et le même mystère, dans la mesure où la lumière voilée du regard et du ciel laisse supposer que quelque chose ou quelqu’un se dissimule derrière le brouillard et les larmes.
Sur le plan du vocabulaire, cette « correspondance » s’exprime dans la langue technique des peintres. Par « ciels » (v. 8), en effet, on désigne en peinture la partie des tableaux représentant le ciel. Avec sa lumière diffuse (« ciels brouillés »), le paysage évoqué fait songer à un ailleurs indéfini. Cet ailleurs est décrit en termes de la femme (« qui te ressemble » (v.6). Mais, comment est-elle– exotique ? belle ? Tout reste ambiguë et cette ambiguïté se prête à une scène peinte car le peintre peut créer sa propre vision du cadre.
Composé d’heptasyllabes (vers de sept syllabes), il définit les composantes essentielles (« Là, TOUT… ») de cet ailleurs dont rêve le poète. Le côté spatial est souligné dès le premier mot du refrain : « là ». Comme l’indiquent les notions de « luxe » et de « volupté », la sensualité s’y révèle en harmonie avec l’ordre, la douceur (contenue dans le mot « calme ») et avec la « beauté » du monde rêvé. Le bonheur baudelairien s’adresse à la totalité de l’être : à ses sens comme à son esprit. Le seul verbe employé dans ce refrain, « est » (v. 13, 27 et 41), noie dans les adjectifs. Il est presque effacé complètement par la négation « ne…que » ce qui fait que ces vers créent une imagerie fort. Il faut aussi noter que ces trois adjectifs sont ambigus– les idées de luxe, de calme et de volupté sont complètement subjectifs ce qui reviendra plus tard dans l’étude du tableau. Le refrain est répété trois fois au total et c’est les deux derniers vers du poème. Il marque une sorte de changement dans le mouvement de la narration ; après chaque refrain le narrateur décrit un nouveau cadre. Ce changement est souligné par le compte syllabique des deux vers qui crée une rupture avec le reste du poème. La répétition de ces vers ainsi que la rupture rythmique fait que ce refrain ressortit.
Le poème devient plus spatial dans la seconde strophe avec l’introduction « des meubles » (v. 15) et « notre chambre » (v. 17). Il y a aussi une certaine intimité avec la description de l’intérieur de la chambre rêvée. La lumière y prédomine (« luisant », v. 15 ; « polis », v. 16). L’emploi du conditionnel « décoreraient » (v. 17, et plus bas, « parlerait » v. 24) rappelle que la chambre demeure imaginaire, tout comme le voyage. L’allusion aux « fleurs » (v. 18 à 20) introduit le thème de l’exotisme par l’intermédiaire : du luxe, puisque ces fleurs sont d’une espèce « rare » (v. 18), donc inconnue en Europe ; et des parfums, puisque leurs odeurs se mêlent à l’« ambre » (v. 20). Les « miroirs » (v. 22) créent une illusion d’optique qui agrandit démesurément (ils sont « profonds », c’est-à-dire que les images qu’il reflètent procurent une sensation d’espace) les dimensions de la chambre. Le fait de souligner le miroir met fortement l’accent sur le côté spatial du poème car l’espace qui existe dans ce cadre est doublé par le reflet du miroir. L’exotisme s’épanouit avec la référence à la « splendeur orientale » (v. 23). L’« ambre », senteur précieuse, fait songer à l’Orient. Mais, cet Orient (comme la chambre) se situe non dans l’espace, mais dans le temps, aux origines mêmes du monde : la « langue natale » (v. 26) renvoie à la « patrie » de l’âme, lorsqu’elle habitait encore l’« Idéal », le paradis. Au total, cette seconde strophe illustre chacun des termes contenus dans le refrain. Elle orchestre aussi le thème de la synesthésie cher à Baudelaire : la vue, l’odorat et même l’ouïe (à cause de « parlerait ») y sont sollicités.
À l’intérieur de la chambre succède l’extérieur de la ville– encore plus spatial. Le passé du conditionnel (seconde strophe) à l’indicatif « vois » (v. 29) actualise le rêve. Les « canaux » (v. 29), qui constituent la variante urbaine du port, évoquent le voyage. Paradoxalement, ce voyage se présente non comme un départ, mais comme un retour puis les vaisseaux « [re]viennent du bout du monde » (v. 34). L’infini et l’évasion sont plus suggérés que véritables. Les vers 35 à 40 usent à profusion d’expressions lumineuses : « soleils couchants » (v. 35) ; « hyacinthe » (= jaune rougeâtre, v. 38), « or » (v. 38) et « chaude lumière » (v. 40). Toute la strophe dégage une impression de bien-être et de paix : les bateaux semblent « dormir » (v. 30), et le monde « s’endort » v. 39) dans un crépuscule encore doré et « chaud » (v. 40).
Il est évident qu’un tel poème avec tout ce champ lexical de couleur et de lumière se prête facilement à une illustration. Mais, qu’en est-il de tout cette imagerie ? Il y a au moins trois scènes (ou mouvements) distinctes pendant le poème. Lorsqu’on peint un tableau, on n’a qu’un instant à dépeindre. Même si un premier coup d’œil au tableau Luxe, calme et volupté (1904) ne donnerait pas un lien clair à L’Invitation au voyage , une explication de la forme et du fond du tableau pourrait rendre le lien explicite.
Il existe quelques études (Figure 2) pour ce tableau à l’huile, à l’aquarelle ; si on les réunit on voit tout de suite le peu d’importance qu’Henri Matisse accordait aux théories, et ceci pour une raison bien simple, c’est que pour lui tout est invention plastique et c’est cela qui le guide. Il y a d’abord plusieurs études du lieu dont une traitée à la manière impressionniste, deux aquarelles, puis dans l’été 1904 un petit tableau du sujet, lui-même traité en grosses touches et qui a l’air à la fois fauve et pointilliste enfin en automne Luxe, calme et volupté , une toile qui reste d’allure pointilliste mais où pointe déjà quelque chose de fauve. Matisse s’est converti au monde méditerranéen et à son bonheur de vivre mais c’est aussi un lecteur de Baudelaire comme on peut le remarquer au titre qu’il donne au tableau qui est une citation directe du refrain du poème L’Invitation au voyage [2] . Selon Flam, « Luxe, calme et volupté was the first painting Matisse did from imagination rather than directly from life, and his first to have a specific literary association » (118). La scène se passe dans la lumière de la fin de l’après-midi au bord de la mer le paysage est celui du golfe de Saint-Tropez où Matisse avait rejoint Paul Signac. Un groupe de femmes, la plupart nues, tout ce monde s’est baigné dans la mer, on se sèche, s’essuie, une nappe est au sol, sur laquelle, semble-t-il le thé est servi. La scène représente un instant de bonheur mi-vécu, mi-rêvé.
Le tableau comprend trois zones, le ciel, la mer et la terre, disposés de part et d’autre de la ligne d’horizon et de la diagonale de la côte qui fait l’espace de cette peinture. La séparation en trois zones différentes pourrait rappeler les trois strophes du poème où chaque strophe existe dans un espace différent. La technique du point, ici assez forte, empêche tout modelé et toute circulation de la lumière d’une chose à une autre. Matisse œuvre dans le sens du travail de décoration murale comme toute sa génération ou presque ; la profondeur optique, et tout illusionnisme est banni, la composition doit donc tenir « optiquement » par la répartition des formes dans le tableau, donc par le pur travail plastique. Une grande croix donnera la verticalité et l’horizontalité : l’arbre à la droite du tableau et la ligne d’horizon de la mer, une diagonale s’occupe de la profondeur : la ligne de la côte. Toute la scène est donc concentrée dans la partie gauche du tableau à l’intérieur d’un triangle où les trois groupes de femmes sont inscrits dans trois autres triangles, ceux-là inégaux.
Matisse fait partie de ce mouvement post-impressionniste qui reste lié à l’idée centrale de la lumière. Celle-ci est essentielle dans le tableau (tout comme dans le poème de Baudelaire où le champ lexical de lumière domine), et fort bien rendue, avec pourtant une technique qui ne facilite pas les choses dans la mesure où elle éloigne la représentation du réalisme, et où le divisionnisme des touches a plus tendance à décomposer la lumières en orangé et en rouge, il n’utilise que des couleurs vives, primaires : rouge, jaune, bleu, et complémentaires : orangé, vert et violet ; mais finalement il les place à sa manière pour faire vivre sa lumière ; concentrant les jaunes dans le ciel à gauche, les roses à droite, le reste bleu clair et rouge. Matisse parvient pourtant à bien faire circuler sa lumière, elle a ce côté légèrement blanc, un peu métallique que prend la lumière de l’été avant de brunir et de s’éteindre. Ici, Matisse a travaillé en zones de couleur ce qui est totalement contraire à la théorie pointilliste, il fait une plage de rouge contiguë à une plage de bleu et de vert (à gauche du tableau, le sol et la robe de la femme habillée assise), il passe du carmin au vert et bleu foncé sur l’avancée du cap du golfe, mais il ne les mélange qu’à peine.
Dans Luxe, calme et volupté , l’utilisation que Matisse fait des points et à la limite de deux choses qui se confondent : la vibration de couleur et la touche ; cette dernière est très présente, elle va lui servir de point de départ pour faire évoluer son idée de la couleur et de la peinture plate issue du muralisme de son temps. Matisse est d’abord un formaliste, il essaie les choses comme moyens plastique et non comme idées, ces dernières ne l’ont jamais guidé sur le chemin de la peinture, le point de Georges Seurat sera pour lui le moyen de vivre dans ses tableaux la couleur pure, ce qui l’amènera chez les fauves ; mais sa liberté, son goût de l’expérimentation lui feront prendre d’autres chemins aussi. La beauté suspendue de cette toile vient peut-être de cela, que Matisse n’obéit à rien qu’à son désir de peindre et de faire apparaître sur la toile ce qui pour lui est l’essence même de l’art. Les formes simplifiées des corps cernés de lignes plus foncées annoncent déjà les tableaux ultérieurs de l’artiste, tandis que l’application très libre du divisionnisme préfigure le Fauvisme.
Nous avons vu que dans le refrain du poème L’Invitation au voyage le verbe « est » se perd (voire, s’annule avec la négation) parmi la densité d’adjectifs. Pourtant, ce phénomène existe tout au long du poème. La majorité des verbes du poème sont soit au présent de l’indicatif soit à l’infinitif. On pourrait dire que ces temps verbaux sont « plats » – c’est-à-dire lorsqu’on emploie la majorité des verbes à ces deux temps, ils ne donnent pas beaucoup de mouvement à la narration. Cependant, ils servent d’amplifier les descriptions. Les noms et les adjectifs l’emportent extrêmement sur les verbes du poème ce qui fait que la description, ou l’imagerie, de ce pays rêvé est plus importante que sa temporalité [3] . De manière contrastante, la temporalité chez Matisse dans Luxe, calme et volupté se voit clairement avec le style employé. L’effet des touches de pinceau avec les couleurs complémentaires crée un effet optique où la couleur dominante transparaît. Lorsqu’on regarde de près le tableau, les touches se voient clairement sans converger pour créer des formes précises. Pourtant, lorsqu’on regarde de loin le tableau les touches s’unissent pour produire les formes distinctes. Cet effet optique apporte un certain mouvement au tableau qui n’existe pas dans les mouvements artistiques auparavant. Tout cela, ainsi que les exemples donnés au-dessus dans l’explication de texte et la lecture du tableau, rejette la théorie d’ekphrasis de Lessing et rapproche la peinture et le poème l’un à l’autre.
Dans son livre Matisse’s Poets, Kathryn Brown soutient que « Exemplifying Matisse’s view that illustration should never simply ‘imitate’ a particular text, the imagery for Les Fleurs du mal prompts a visual experience of beauty on the part of the reader that is often at odds with, but dependent on its linguistic counterpart » (139). Ce constat lie intrinsèquement l’idée d’imagerie avec les mots chez Baudelaire. Brown suggère aussi que Matisse n’avait pas pour but de donner une seule illustration pour un texte, mais l’artiste donne son interprétation d’un moment pris du texte. Elle continue à écrire que tout au long de la création artistique de Matisse il voulait créer « un ensemble harmonieux » (138) entre image, musique et texte. Il est intéressant le fait que Matisse choisit de peindre la scène ambiguë du refrain de L’Invitation au voyage parce que cela marque un moment de mouvement et de transformation. Dépeindre ce moment sur la toile souligne davantage l’harmonie entre sa peinture et les mots de Baudelaire.
[1] Voir l’article de Eric T. Haskell, Picturing Paradise: Baudelaires « L’Invitation au voyage » , dans lequel il fait une étude exhaustive des nombreuses illustrations de « L’Invitation au voyage » en particulier.
[2] Voir le livre de Kathryn Brown, Matisse’s Poets, dans lequel Dr. Brown fait une étude sur des poètes dont Matisse était grand amateur et leurs liens avec les œuvres du peintre.
[3] La temporalité joue normalement un rôle important dans la poésie baudelairienne. Voir Le Cygne , par exemple.
Bibliographie
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Virgile. “L’Énéide.” Textes et Mythes Fondateurs , edited by Alain Migé, Larousse, 2010.
Procédé pictural consistant à juxtaposer des petites touches séparées. (https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/pointillisme/)
Technique qui consiste à appliquer la peinture directement sur la toile, par touches régulières et superposées [surtout avec des couleurs complémentaires] (https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/divisionnisme/)
Mouvement pictural du début du XXe siècle. Le fauvisme se caractérise par la nouveauté de ses recherches chromatiques avec des aplats larges; épais et juxtaposés de couleurs. A l'époque, ce mouvement était considéré comme particulièrement audacieux. (https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/fauvisme/)
Peinture Mouvement pictural du début du XXe siècle. Le fauvisme se caractérise par la nouveauté de ses recherches chromatiques avec des aplats larges; épais et juxtaposés de couleurs. A l'époque, ce mouvement était considéré comme particulièrement audacieux. (https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/fauvisme/)
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